Esprit de géométrie et esprit de finesse - Pascal - Extrait audio

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Par facilité, on l’identifie à la distinction des scientifiques et des littéraires, aux « deux cultures » exagérément opposées et jugées inconciliables par C. P. Snow dans une conférence de 1959 à Cambridge. L’analyse de Pascal, plus subtile, distingue en fait trois esprits : géométrie, justesse, et finesse, qui se caractérisent par trois manières de raisonner à partir de principes.

Pour l’esprit de géométrie, « les principes sont palpables, mais éloignés de l’usage commun, de sorte qu’on a peine à tourner la tête de ce côté-là, manque d’habitude. Mais pour peu qu’on l’y tourne, on voit les principes à plein » (670-512).

Les principes mathématiques ne tombent pas sous le sens, dérangent les habitudes, sont « inaccoutumés », contre-intuitifs, dirait-on aujourd’hui : c’est, du temps de Pascal, l’univers infini opposé au monde clos, ou la divisibilité à l’infini de l’espace géométrique, inadmissible pour le chevalier de Méré ; aujourd’hui, ce serait la relativité générale ou le chat de Schrödinger, à la fois mort et vivant.

Tous deux scientifiques, ils relèvent de domaines, d’ordres différents : l’esprit de justesse a pour propriété de « tire[r] bien les conséquences de peu de principes », « de pénétrer vivement et profondément les conséquences des principes » ; l’esprit de géométrie, lui, « tir[e] bien les conséquences des choses où il y a beaucoup de principes », sait « comprendre un grand nombre de principes sans les confondre ». Ou encore : « L’un est force et droiture d’esprit, l’autre est amplitude d’esprit » (669-511).

Pour l’esprit de justesse, Pascal donne l’exemple des « effets de l’eau », soit ses propres travaux sur la pesanteur de l’air et sur le vide. La distinction est celle de la physique et de la géométrie, domaines où Pascal sait d’expérience qu’on exerce différemment son esprit.

Dans un second fragment, Pascal oppose l’esprit de géométrie, avec ses « principes palpables, mais éloignés de l’usage commun », et l’esprit de finesse, dont « les principes sont dans l’usage commun et devant les yeux de tout le monde », mais « si déliés et en si grand nombre, qu’il est presque impossible qu’il n’en échappe » (670-512).

Prévenons encore un malentendu : il est toujours question de poser des principes et d’en déduire des conséquences. L’esprit de finesse ne se confond donc pas avec le cœur, qui est pour Pascal l’instinct des premiers principes (temps, espace, nombres). Ce que dit Pascal, c’est que pour ces deux esprits, ou trois, les principes ne sont pas du même ordre : simples pour l’esprit de justesse ; bien définis, mais nombreux et inaccoutumés pour l’esprit de géométrie ; familiers, mais nombreux et délicats pour l’esprit de finesse.

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